Eau Vive n° 528

Le courage des confirmés  (3)

        Mais qu’est-ce qui fait peur aux chrétiens libéraux ? Il y a un profond malaise du fait que l’Église est bloquée, voire en recul. Pour prendre de nouveau un exemple dans ma propre  Église, beaucoup de catholiques, après le concile Vatican II, ont rêvé d’une Église qui serait radicalement transformée. Presque cinquante ans plus tard, cela ne s’est pas encore produit, ou du moins pas comme beaucoup l’espéraient. Cela signifie-t-il que nous allons toujours rester bloqués, avec une Église hypercentralisée, autoritaire, patriarcale et perçue par beaucoup comme excluant les femmes ? Je ne le crois pas ; mais nulle part la Bible ne nous enseigne que la vie de l’Église doit être marquée par un progrès constant et en douceur. Cette doctrine nous vient du siècle des Lumières et ne s’enracine pas dans notre foi. L’histoire nous montre que l’Église reste souvent bloquée dans le désert, comme les Israélites l’ont été pendant des décennies, après le glorieux exode. Mais nous croyons que la providence de Dieu est à l’œuvre et nous mène au Royaume par des chemins que nous ne pouvons pas prévoir. Nous n’avons pas besoin d’avoir peur.

            Nous avons besoin de responsables d’Église qui aient le courage de nous tenir ensemble et de prendre soin de l’ensemble du troupeau, en particulier de ceux qui sont aux marges. Les chefs doivent avoir sereinement confiance que, si l’Esprit-Saint est répandu sur l’Église, ils n’ont pas besoin de tout contrôler, de toujours insister sur ce qui va dans leur sens, mais d’avoir confiance que l’Esprit est à l’œuvre dans toute la communauté et pas simplement dans ses responsables. Tout au long de ce livre, j’ai fait allusion à la montée d’une culture du contrôle, pendant le siècle des Lumières, une culture qui a une origine séculière et qui est due à une perte de la foi en la providence de Dieu. Nous avons donc besoin de responsables qui aient le courage de laisser les choses se faire, de laisser la grâce imprévisible de Dieu travailler dans notre communauté. La responsabilité consiste à assurer que personne ne puisse s’emparer du contrôle, parce que la grâce de Dieu est en tous.

            Quand j’étais jeune étudiant dominicain, il y eut un attentat contre notre prieuré de Blackfriars à Oxford. Un groupe d’extrême droite, qui désapprouvait notre position sur diverses questions, posa devant le prieuré deux toutes petites charges explosives, qui éclatèrent à deux heures du matin. Nous nous sommes tous réveillés et nous nous sommes précipités vers la façade de la maison, pour trouver toutes les vitres des fenêtres en mille morceaux. La police et les ambulances arrivaient. Mais où était le prieur, Fregus Kerr ? Le plus jeune frère fut dépêché vers sa chambre pour le réveiller. « Fergus, il ya eu un attentat à la bombe ! – Quelqu’un de tué ? – Non. – Quelqu’un de blessé ? – Non. Alors, va-t’en et laisse moi dormir ; nous pourrons y penser dans la matinée. » Ce fut ma première leçon de responsabilité ! Christ est mort, Christ est ressuscité, Christ reviendra. Il n’y a pas besoin de s’affoler ou d’avoir peur.

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