EAU VIVE n° 526

                            Le courage des confirmés  (2)

            Nous avons besoin de courage pour nous ouvrir à ceux et celles de notre Église qui sont animés par d’autres rêves et d’autres espérances. Si quelqu’un fait campagne pour quelque chose que je trouve incompréhensible – le rite de saint Pie V pour l’eucharistie, par exemple-, plutôt que de lever les bras au ciel pour exprimer mon indignation, je dois me servir de mon imagination et de mon intelligence pour en découvrir la raison et discerner ce que ce désir a de positif et même de légitime.  Je continuerai peut-être à ne pas être d’accord, mais au moins je pourrai comprendre pourquoi l’autre a des opinions qui sont si différentes des miennes ; et cette personne aura même élargi mon cœur et mon esprit pour y laisser entrer ce qui touche ses désirs profonds.

            Iris Murdoch, l’écrivain et philosophe anglais, disait que si on désire  comprendre une autre personne, il faut se demander de quoi elle a peur. Quelles sont les peurs qui polarisent nos Églises et comment pouvons-nous nous donner mutuellement du courage ? Ce qui perturbe beaucoup de chrétiens traditionnels, c’est la peur du chaos. Le monde connu est secoué, et l’avenir est incertain. Ils veulent un christianisme qui incarne un ordre bien défini, un monde sûr et sans danger. Pour certains d’entre nous, pouvoir parler de tout cela et le traduire en actes est évocateur de liberté ; mais pour d’autres, ce sont de menaçants symbole de chaos. Dans le roman La Promenade au phare de Virginia Woolf, un petit trou dans la chaussette d’une jeune femme perturbe profondément le philosophe méticuleux qui marche derrière elle. Ce trou évoque toutes ses peurs d’un monde désintégré : « Comme il était étrange que ce petit trou rond de talon rose ait semblé s’afficher devant eux !... Il signifiait pour lui l’annihilation de la féminité, et la poussière et le désordre, et le départ des domestiques, et les lits qui ne sont pas faits à midi – toutes choses qu’il avait en horreur. » Á vrai dire, j’ai même vu mes cheveux indisciplinés provoquer de la détresse chez certains, comme si c’était un défi délibéré à l’orthodoxie.

            Les chrétiens libéraux doivent comprendre cette peur du chaos, respecter cette inquiétude légitime, faire attention de ne pas la provoquer inutilement, comme des enfants qui jettent des pierres aux lions au zoo. Mais nous devons aussi partager notre confiance fondée sur le fait que le chaos a été finalement vaincu. Le monde, c’est vrai, s’est effondré le vendredi saint : le soleil s’est obscurci et le voile du Temple s’est déchiré en deux. Mais le dimanche de Pâques, le monde a été refait à neuf. Le Léviathan a été mis à mort et le chaos vaincu. L’arc-en-ciel de l’Alliance signifie que les eaux du Déluge ne couvriront pas la terre. Nous n’avons pas à avoir peur.

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Dans nos paroisses du 3 mai au 20 mai 2013