Eau Vive n°464

Paroisses Catholiques de Saint Paul-Lez-Durance, Jouques,  Peyrolles-en-Provence,
Meyrargues, Le Puy-Sainte-Réparade, Saint-Canadet et  Saint-Estève-Janson

Quand les nuits sont plus longues, y aura-t-il quelqu’un capable de tant dormir qu’il ne puisse lire personnellement ou écouter les autres lire l’Écriture sainte au moins pendant trois heures ? Bien sûr, ceux -là ne peuvent lire les livres saints, qui, comme je l’ai déjà dit, s’appliquent à s’enivrer jusqu’au milieu de la nuit. Mais nous, si nous voulons plaire à Dieu et penser bien attentivement au salut de notre âme, nous devons aimer la sobriété et fuir bien loin  l’ivresse, comme une fosse d’enfer. Soyez attentifs, je vous en prie, frères ; vous n’ignorez pas ce que je vous dis.

Nous connaissons, en effet, des commerçants qui, étant illettrés, recherchent des employés instruits et qui, bien que ne sachant pas lire eux-mêmes, font d’énormes bénéfices en faisant tenir leurs comptes par d’autres. Et si ces hommes, qui ne savent  pas lire, engagent à leur service des employés instruits pour acquérir une fortune terrestre, toi, qui que tu sois, qui ne sais pas lire, pourquoi ne charges-tu pas quelqu’un, au besoin contre un juste salaire, de te lire régulièrement l’Écriture sainte, afin que tu puisses ainsi gagner les récompenses éternelles ? A coup sûr, frères, celui qui s’en enquiert avec diligence, croit que cela lui sera utile pour l’éternité, mais celui qui ne veut ni lire lui-même les textes saints ni écouter avec bonne volonté quelqu’un les lui lire, celui-là ne croit pas du tout qu’il puisse en tirer quelque profit.

Vous donc, frères, je vous en prie et je vous le redemande instamment : qui que vous soyez, si vous savez lire, relisez très fréquemment l’Écriture sainte ; et vous qui ne savez pas vos lettres, quand les autres lisent, écoutez d’une  oreille attentive. Car la lumière de l’âme et sa nourriture éternelle ne sont rien d’autre que la parole de Dieu, sans laquelle l’âme ne peut ni voir ni vivre ; en effet, come notre chair meurt si elle ne prend pas de nourriture, ainsi notre âme également s’éteint si elle ne reçoit pas la parole de Dieu.

Mais on dit : Moi, je suis un paysan et je suis continuellement occupé par les travaux de la terre ; je ne peux ni écouter ni lire le texte divin. Combien de paysans et combien de paysannes savent par cœur des chansons d’amour diaboliques et scandaleuses et ne cessent de les chanter ! Ils peuvent retenir et apprendre ce que le diable leur enseigne ;  et ils ne peuvent retenir  ce que le christ leur montre ! Pour n’importe quel paysan ou paysanne, combien serait-il plus facile et préférable, combien serait-il plus utile d’étudier le Symbole, d’apprendre, de retenir et de dire fréquemment l’Oraison dominicale, quelques antiennes, les psaumes cinquante et quatre-vingt-dix, et d’unir ainsi leur âme à Dieu en la libérant du diable ? En effet, tandis que les chansons scandaleuses envoient dans les ténèbres du diable, les chants sacrés montrent la lumière du Christ. Donc, que personne ne dise : je ne peux rien retenir de ce qu’on lit à l’église. Sans nul doute, si tu le veux, tu le pourras : commence par vouloir, et aussitôt tu comprendras.

 Extrait du livre Césaire d’Arles

 Sermon au peuple I (Sermon VI, n° 2 et 3)

 Editions du cerf – 1971

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