Véritable matrice de l’histoire de la mission, cet appel à l’évangélisation de l’Europe s’enracine dans le basculement de l'évènement d’Antioche de Pisidie, où l’Apôtre Paul décide d’annoncer l’Évangile aux païens (Act 13,14).
Annoncer l’Évangile aux païens, c’est le travail de l’Église et des croyants à travers les siècles, où à chaque époque, il s’agit de renouveler le geste de l’évêque Saint Rémi baptisant Clovis et les Francs, en acceptant de « passer aux barbares ».
Évangéliser au temps du Covid est sans doute aussi ardu qu’aimer au temps du sida. Avec la certitude que « c’est l’Esprit Saint qui fait les saints », hier comme aujourd'hui et demain. C’est donc dans la force de l’Esprit comme dans l’humilité de notre don de soi renouvelé que les évangélisateurs pourront avancer sur le chemin de la mission, qui commence toujours par notre propre évangélisation, puisée dans la contemplation amoureuse de Dieu.
Passer aux barbares aujourd'hui, c’est tisser toujours davantage de relations avec l’homme moderne, sans doute blessé par les nouvelles plaies non plus d’Égypte mais de notre époque contemporaine, qui s’appellent :
- esprit positiviste, marqué par l’espoir que tout viendra de la science et de la technologie, nouveaux veaux d’or ;
- monde façonné par les GAFAM (Google-Apple-Facebook-Amazon-Microsoft) qui prolongent, à leur façon, l’homo sovieticus, cet « homme nouveau » sans Dieu ni frère ;
- comportement toujours plus individualiste et plus matérialiste, où se croisent le culte de l’ego, du tribal et « l’éclatement » ;
- environnement toujours plus virtuel où le réel n’a plus sa place car il dérange et oriente en écartant des hypothèses que l’on ne peut explorer sans plonger dans le néant ;
- société où le « village mondial » est toujours plus écrasé par la victoire des cartels les plus puissants et l’effacement du particulier, du local, du spécifique, du personnel ;
Dans le sillage tracé par St Paul VI au sortir du concile Vatican II, l’Église, « experte en humanité », souhaite être ce visage contemporain du bon Samaritain qui remplace la « dictature du on » par l’ « hôpital de campagne » accueillant chacun comme il est pour l’aider à rencontrer Dieu qui s’est rendu proche de nous en Jésus-Christ.
Hier comme aujourd'hui et demain, nos paroisses, humbles visages de l’Église, une, sainte, catholique et apostolique, restent fondées sur les trois piliers de Vatican II : le Mystère, la communion et la mission. Certes, leur carte de visite a bien changé. Elles furent depuis 150 ans successivement lieu du culte liturgique, centrales d’œuvres apostoliques, libre-service religieux pour s’orienter aujourd'hui vers la constitution de pôles missionnaires parce que d’abord communautaires et priants.
Nous savons bien aujourd'hui que « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil » a été l’utopie d’une génération. Tout comme le Covid se présente comme un ennemi invisible, l’évangélisation fait entrer dans le combat spirituel, dans le combat de Dieu, autour de nous mais d’abord en nous. Comme Jacob, nous ne pourrons secourir sans avoir été d’abord touchés : Seigneur, change mon cœur pour changer ma vie !