C’est le temps de préparer la Pâque et Jésus demande à ses disciples de participer à la préparation de cette célébration où l’on fait mémoire, par un repas, de la libération voulue par Dieu. Ce passage dans la mer qui, par le bras de Moïse, sauve le peuple des Fils d’Israël et l’ouvre à un nouvel avenir, une nouvelle Pâque… C’est le temps de l’Exode.
Tout est prêt, les vœux du Maître sont exaucés. Mais les disciples ont-ils compris la parole énigmatique de Jésus : « Mon temps est proche… » ? À quelle Pâque voulait-Il les préparer ? Comme dit le Prophète Isaïe : « Chaque matin le Seigneur éveille, il éveille mon oreille pour qu’en disciple j’écoute. » Et pourtant combien de fois j’ai écouté sans comprendre où Il voulait me conduire. Ayant réuni ses disciples autour de la table, Jésus prononça une autre parole lourde de sens…
« Amen, je vous le dis : l’un de vous va me livrer ». Et oui, parmi eux se trouve l’homme qui va trahir le Fils de l’homme par un sordide marchandage : « Que voulez-vous me donner si je vous le livre ? » La vie de Jésus ne pèse pas lourd aux yeux des grands prêtres, pas plus que celle d’un esclave : seulement « trente pièces d’argent… ».
Mais Jésus dira : « Ma vie nul ne la prend mais c’est moi qui la donne, je m’en dessaisis de moi-même… » (Jn 10, 18). C’est par un homme qui trahit le Fils de l’homme que va s’accomplir le dessein d’Amour du Père en nous livrant son Fils pour nous sauver, nous libérer, ouvrir à tous les hommes un nouvel avenir, une nouvelle Pâque dans la brèche de l’humanité.
Combien de fois avons-nous entendu ou même médité ces paroles, toujours aussi étonnés et à la fois émerveillés par ce paradoxe de l’Amour du Père.
Les disciples sont attablés autour de Jésus pour le Repas et une seule phrase de sa part va troubler leur conscience et mettre en cause leur fidélité au Maître : « Amen, je vous le dis : l’un de vous va me livrer… » Chaque disciple chuchote sa réponse : « Serait-ce moi, Seigneur ? » La tristesse les envahit parce que la prédiction de Jésus envers ses disciples révèle trop bien la fragilité de leur attachement à leur Seigneur. Cette interrogation peut être la nôtre : ma relation intime avec le Seigneur m’engage-t-elle quotidiennement à ne jamais le trahir et à ôter de ma vie tout ce qui serait signe de trahison dans ma relation aux autres.
À la perturbation des disciples, Jésus confirme sa détermination, comme Fils de l’homme, d’accepter d’être livré selon le projet de Dieu annoncé par l’Écriture. « Le Fils de l’homme s’en va, comme il est écrit à son sujet… »
Nous pouvons être émerveillés de cette souveraine liberté de volonté de Jésus acceptant de mourir sur la croix comme un bandit pour que les hommes reçoivent en héritage la Vie en plénitude en sa Résurrection.
La convivialité du Repas qui traduit une intimité entre Jésus et ses disciples va être trahie par l’un d’eux. « Serait-ce moi, Rabbi ? » dit Judas, le faux ami, qui récapitule en son geste de se servir en même temps que Jésus, le détournement de l’esprit de service que le Christ est venu instaurer comme fondement de l’Amour de Dieu pour les hommes.
Trahir le Christ reste une menace pour tout disciple mais notre confiance livrée à la force de l’Esprit-Saint nous préserve pour ne pas entrer en la tentation de nous éloigner du Seigneur.
En ces jours vécus dans le confinement préservons-nous de toute critique, de tout jugement qui nous feraient entrer dans une forme de trahison de la beauté du monde voulue par Dieu et dont chaque geste de solidarité, de courage, d’attention, d’amour en sont les signes.
« Mon Père je m’abandonne à Toi, fais de moi ce qu’il te plaira… ». Prière d’Abandon de Frère Charles de Foucauld