Le mardi 24 mars au matin, j’allais célébrer mes premières funérailles en temps de confinement au cimetière de Bouc-Bel-Air. Lorsque je suis arrivé, les Pompes Funèbres étaient déjà en train de fermer le caveau. Je me suis inquiété pour savoir si je m’étais trompé d’heure, ce qui n’était pas le cas. Je n’étais pas arrivé en retard ( !), aussi j’ai demandé pourquoi le défunt était déjà inhumé. Il m’a été répondu : « quelqu'un a dit ‘il ne viendra pas’ » Depuis, j’ai encore célébré cinq funérailles avec à chaque fois la même crainte : « allons-nous trouver quelqu'un pour venir au cimetière ? » et une immense reconnaissance que je sois là.
Comment ne pas être là, ne pas venir ? ‘Enterrer les morts’ fait partie des sept œuvres de miséricorde corporelle, à laquelle nous ne pouvons nous défiler. Cela s’impose à moi. Cela fait partie de ma vocation : venir à cet endroit.
Nous applaudissons chaque soir le personnel soignant qui se tient auprès des malades malgré la peur et la fatigue. Comment pourraient-ils ne pas venir dans la vocation qui est la leur ? Un pneumologue que je connais me disait qu’il ne regrettait rien, que c’était cela qu’il avait voulu, soigner les gens.
Comment Jésus, lui qui répète dans l’Évangile de Jean, qu’il ne cherche pas sa gloire, mais celle de son Père, ne viendrait pas. Il est vrai que nous ne le comprenons qu’après coup : « ne fallait-il pas que le Fils de l’homme souffrit tout cela pour entrer dans sa gloire ? » (Luc 24, 26). Et nous, en cette semaine sainte 2020, nous ne pourrons venir à la fête dans nos églises ! Cela n’est pourtant pas possible pour nous ! C’est, pour nous aussi, une question de vocation, d’appel intérieur. Car cela n’est pas possible de ne pas suivre celui qui nous a montré son amour jusqu'au bout, de ne pas lui montrer notre reconnaissance, non pas en applaudissant, mais en prenant son chemin. Cela s’impose à nous, de l’intérieur, d’entrer avec lui à Jérusalem en l’acclamant, de vivre son dernier repas, de le suivre dans sa passion jusqu'à la mort sur la croix et son ensevelissement, et de recevoir sa résurrection. Les moyens pour vivre cette semaine sainte sont inhabituels, mais multiples, par papier, ou par écran, peu importe, même si l’écran a l’avantage de manifester plus clairement la communion.
En terminant, je vous livre cette prière du Frère Charles de Foucauld, qui a vécu des mois sans messe avant qu’il ne reçoive l’autorisation de célébrer seul, et a sans doute célébré la semaine sainte seul. Il a écrit cette prière en méditant la passion selon Saint Luc :
Mon Père, je m’abandonne à toi.
Fais de moi ce qu’il te plaira.
Quoique tu fasses de moi, je te remercie.
Je suis prêt à tout, j’accepte tout.
Pourvu que ta volonté se fasse en moi et en toutes tes créatures,
je ne désire rien d’autre mon Dieu.
Je remets ma vie entre tes mains.
Je te la donne, mon Dieu, avec tout l’amour de mon cœur
parce que je t’aime,
et que ce m’est un besoin d’amour de me donner,
de me remettre entre tes mains sans mesure
avec une infinie confiance,
car tu es mon Père.