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HOMELIE DU JEUDI SAINT

Chers amis,

            Nous commençons en ce jour ce que l’Eglise appelle traditionnellement le « Triduum pascal », cette préparation imminente à la commémoration du plus grand mystère de notre foi : La passion – mort et résurrection de notre Seigneur !

Aujourd’hui va commencer le périple de notre Seigneur au bout duquel s’opérera notre salut, notre rachat comme le dit l’apôtre Paul. Et voilà qu’en ce moment privilégié où le Seigneur va nous laisser en héritage le plus grand de tous les biens, un certain Pierre à qui l’Eglise sera confiée, va encore s’illustrer par sa naïveté. Au geste de Jésus, Pierre n’y comprend absolument rien. Son sens de la hiérarchie prend le dessus. En bon juif, il sait qu’un maître ne saurait laver les pieds de ses disciples car ce geste est celui d’un esclave ou d’un amant. Pourtant, Jésus lui, le fait. Il se dévêtit et se met à genoux. Pour Pierre l’acte est colossal : la parole de Dieu se ceint d’un tablier, le verbe se met à genoux, tel un esclave. C’est là une chose que Pierre ne pouvait pas comprendre ; il ne pouvait pas admettre un tel geste qui déconcerte et surprend.

            Chers amis, avouons-le. Le lavement des pieds est un geste qui sort de tout entendement humain. Alors que les Synoptiques s’appliquent à raconter l’institution de l’Eucharistie (Jésus qui donne son corps et son sang en nourriture et boisson éternelles), saint Jean nous décrit une autre scène au cours de laquelle le Logos est à genoux, aux pieds de pauvres êtres humains. C’est là un geste très fort. Un geste qui dit un homme pour le service ; un geste qui vient briser pour toujours la loi de la violence dans nos relations humaines ; un geste qui vient briser à jamais nos idées de hiérarchie et de dignité. L’exemple de la seule et véritable dignité nous est donné : être suffisamment détaché du souci de soi, de son ego, pour pouvoir prendre le risque de l’agenouillement.  Cet acte de grande humilité de Jésus qui se met à la place du dernier des serviteurs, est l’image qu’il veut laisser à ses disciples avant de mourir, avant de remonter vers le Père. Oui, chers amis, l’élévation vers le monde divin passe par un abaissement jusqu’aux pieds de tous ses frères les hommes. Pour monter jusqu’à Dieu, il faut partir de tout en bas ! Ce lavement des pieds rappelle donc à chaque disciple que son rôle est de servir et que l’aspiration à rejoindre Dieu passe par l’humble souci des hommes de se considérer comme serviteurs de leurs semblables. Nous sommes là en présence d’un renversement de tendances devenues naturelles et nourries par notre soif de paraître au-dessus des autres. Se mettre au service de l’autre : voilà tout le message.

         Se mettre au service des autres quand bien même l’on a été durement éprouvé dans sa chair d’homme. Ce n’est pas une chose simple, et cela, Jésus en est bien conscient. Lui le premier sait combien le cœur de l’homme est pervers et méchant. Lui le premier a fait l’expérience de l’ingratitude servile des hommes. Il a été trahi par les siens ! Remarquez d’ailleurs que ce geste du lavement des pieds est encadré par les annonces de la trahison de Judas. Et la trahison est peut-être l’expérience la plus absolue de notre condition humaine parce qu’elle est bien souvent à la hauteur de notre confiance brisée, de nos affections bafouées. Nous cautionnons toutes les bévues et les offenses qui nous sont faites, mais pas la trahison parce qu’elle brise quelque chose qu’il est bien souvent difficile de réparer. Mais il n’y a pas que cette blessure. Il existe encore bien d’autres qui déchirent notre cœur, marquent notre âme et nous empêchent d’aller de l’avant, d’oser la rencontre, d’aimer tout simplement. Au cœur de toutes ces souffrances, Jésus se tient devant nous pour mieux nous relever, pour redonner sens à nos émotions, à nos sentiments, à nos relations. Il se met humblement à notre service. Et il conclut : « Faites pour les autres comme j’ai fait pour vous ». Oui, faites comme moi. Dans l’humilité, mettez-vous au service de vos frères et sœurs. Dans la charité, mettez-vous au service de l’amour.

          Alors, chers amis, le ton nous est donné, la route nous est tracée. L’homme est un être pour la tendresse, pour la relation, pour le service, pour la rencontre, pour la tendresse aimante. Jésus, Parole éternelle du Père s’est mis à genoux devant nous et nous invite à faire de même que Lui : Faites à vos frères comme j’ai fait pour vous. C’est la seule condition pour être heureux. Dieu s’est révélé à nous comme un Dieu au-delà de la puissance qui se révèle dans la tendresse, un Dieu qui se met au service de l’homme ; un Dieu qui se donne dans son Corps et dans son sang pour maintenir avec ses disciples la communion éternelle. Chers amis, nous commémorons aujourd’hui deux événements qui ne forment en réalité qu’un seul : Dieu qui se met au service en se donnant pour que s’ouvre pour chacun et chacune de nous la porte jusque-là verrouillée, celle du pardon possible. C’est à cette porte que le Seigneur se tient et frappe quotidiennement. Alors, mon frère, ma sœur, regarde : le Maître est à genoux, pour te relever. Et toi, penses-tu à relever ton prochain ?

Gildas DOSSOU - Diacre

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