Dans une lettre adressée aux fidèles du diocèse d’Aix-en-Provence et Arles, Mgr Dufour invite à se pencher sur les changements provoqués par le confinement et souligne l’importance de continuer à se nourrir de la Parole de Dieu.
Chers frères et sœurs en Christ,
En ce temps de Pâques, je viens vous souhaiter d’accueillir en surabondance la joie et la paix du Ressuscité. Cette paix et cette joie sont notre trésor, si précieuses en ce temps d’épreuve. Nous recevons ce don dans la foi en la parole du Christ : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix » (Jn 14,27) ; « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite » (Jn 15,11). Ces paroles de Jésus sont le testament qu’il offre à ses disciples, le solide fondement de notre espérance chrétienne.
La joie de Pâques ne chasse pas l’épreuve. Épreuve de la maladie : je pense à tous ceux et celles qui, parmi vous et parmi vos proches, ont été frappés par le coronavirus. Épreuve de l’inquiétude et de la peur : je pense à tous ceux que le confinement isole encore davantage et qui souffrent de la solitude, aux familles confinées dans des conditions de vie difficiles, aux personnes démunies ou sans domicile, à tous ceux qui s’inquiètent pour leur travail et angoissent pour l’avenir. Prions le Ressuscité pour tous ceux que le virus a emportés dans la mort et pour leurs familles. Prions le Seigneur de nous délivrer de l’épidémie et de donner à tous la force de traverser l’épreuve.
Quel sens donner à cette épreuve planétaire, si soudaine, douloureuse et angoissante ? Vous avez sûrement médité cette question durant ces semaines de confinement. Les prêtres vous ont partagé leurs enseignements qui ont nourri votre réflexion et votre prière. Je suis sûr que vous avez ouvert votre Bible plus fréquemment, peut-être même chaque jour. J’ai entendu que beaucoup d’entre vous ont maintenant un petit coin prière dans leur habitation. Quelle lumière avez-vous reçue ? Nous avons pris conscience de notre petitesse : qui sommes-nous, petites puces fragiles perdues devant l’immensité des milliards de milliards d’étoiles qui remplissent l’Univers ? Appel à nous tourner vers Dieu, à le reconnaître comme Créateur et Maître de l’histoire. Nous avons pris conscience de notre fragilité : tout ce que nous avons édifié peut disparaître, nous sommes à la merci de nouveaux virus ; le Seigneur est notre rempart, notre force, notre salut. Mais le confinement nous a permis de vivre aussi de belles choses, de faire des découvertes, de goûter le silence, la vie en famille, la solidarité et la charité fraternelle, un rythme plus humain, une forme de dépollution… Je vous invite à recueillir ces dons de la grâce de Celui qui veille sur nous, le Christ vivant. Merci Seigneur, tu es avec nous, tu veilles sur nous, tu prends soin de nous, et nous savons que dans l’épreuve tu nous fais grandir.
Je sais que vous souffrez beaucoup de ne pas pouvoir communier à la présence réelle du Christ dans le pain eucharistique. Vous avez faim de ce pain. Dieu a voulu se donner à voir, non pas devant un écran, mais dans la chair. Pas seulement se donner à entendre dans une parole, mais dans une parole faite chair. C’est toute l’originalité de notre foi chrétienne : Dieu nous rejoint en prenant corps dans notre histoire humaine, le Christ est le sacrement de sa présence réelle avec nous. Nous avons faim des sacrements de l’Église, faim de l’eucharistie, faim de la réconciliation sacramentelle. Une bonne faim ! Mais je voudrais redire que la Parole de Dieu dans les Écritures Saintes est aussi, par analogie, sacrement de la présence du Christ. Benoît XVI nous l’enseigne dans sa belle exhortation sur la parole de Dieu, en citant saint Jérôme : « Quand nous nous référons au Mystère eucharistique et qu’une miette de pain tombe, nous nous sentons perdus. Et quand nous écoutons la Parole de Dieu, c’est la Parole de Dieu et le Corps et le Sang du Christ qui tombent dans nos oreilles et nous, nous pensons à autre chose. Pouvons-nous imaginer le grand danger que nous courons ? ». Si le confinement vous a donné faim de la Parole, s’il vous a fait découvrir et goûter la présence réelle du Christ dans les Écritures, s’il vous a fait prendre conscience de l’importance de se préparer chaque dimanche à l’écoute de la Parole pour n’en pas perdre une miette, je m’en réjouis et j’en rends grâce au Seigneur. Gardons en notre âme cette faim de la Parole de Dieu.
Quand pourrons-nous à nouveau nous rassembler dans nos églises toutes portes ouvertes après le 11 mai ? Comme vous, je le souhaite vivement. Le premier ministre doit annoncer avant le 11 mai ses décisions. Il a demandé aux responsables des cultes de leur faire des propositions la semaine prochaine. Rappelons que, au cours d’un rendez-vous téléphonique lundi dernier, Mgr Eric de Moulins-Beaufort, Président de la Conférence des Évêques de France, a déjà demandé au premier ministre que le culte soit rétabli le 11 mai en garantissant la sécurité sanitaire. Mais au cours de la rencontre des responsables des cultes mardi soir, le président de la République a laissé entendre que les célébrations religieuses ne pourraient pas reprendre avant le 15 juin. Nous ne pouvons pas attendre. Nous avons faim. C’est pourquoi je vous demande instamment de prier avec ferveur pour que l’Esprit Saint éclaire les décisions de nos dirigeants. Ce vendredi de 15h00 à 17h00, les évêques sont convoqués pour une assemblée extraordinaire par visio-conférence, pour débattre des propositions que nous ferons au gouvernement. Je confie cette assemblée à votre prière fervente.
Je prie le Seigneur de faire descendre sa bénédiction sur chacun et chacune de vous. Qu’il veille sur vos familles et vos proches. Qu’il bénisse notre Église en France. Qu’il nous fortifie dans la foi et dans le témoignage de notre espérance. Qu’il nous délivre du mal.
Bien uni à vous dans le Christ ressuscité et dans la prière de l’Église à l’Esprit Saint.
Mgr Christophe Dufour
Archevêque du diocèse d’Aix-en-Provence et Arles