Horreur, stupeur, espérance
En écho au message de notre archevêque « au sujet du scandale des crimes sexuels » que vous avez peut-être reçu du diocèse ou lu sur notre site, je voudrais à mon tour m’exprimer à ce sujet[1]. Depuis quelques temps maintenant, des révélations de scandales concernant l’Église se multiplient autant au plan géographique (Etats-Unis, Australie, Chili, France…) qu’au plan des situations (actes de pédophilie, agressions sexuelles sur adulte, abus sur des religieuses, non dénonciation…).
Tout d’abord, comme beaucoup d’entre vous je suppose, c’est l’horreur qui m’habite. Horreur devant ces enfances saccagées, ces souffrances indicibles, ces dénis de dignité de l’autre. Le fait que ces attitudes existent dans notre société au-delà de notre Église n’est pas une excuse, ni même une circonstance atténuante. Elle n’enlève d’ailleurs absolument rien aux ravages causés. C’est donc vers les victimes, connues ou inconnues, que nous devons nous tourner d’abord : leur offrir notre écoute, notre compassion (au sens strict : partager la passion de l’autre), notre aide, notre prière.
C’est ensuite la stupeur qui vient : comment cela a-t-il pu être possible ? Pour combattre le mal, il faut le connaître. Les causes sont certainement multiples. On a souvent évoqué le silence qui est imposé (sous la menace, par ignorance, par une « culture du silence »…). Dans ce sens, que ce soit dans l’Église mais aussi dans le monde du cinéma, du sport, de l’entreprise et même de la famille, la conscience est prise peu à peu du droit, et même du devoir de parler, de dénoncer. Les enfants aussi sont aidés à découvrir très tôt que leur corps leur appartient, quels sont leurs droits vis-à-vis des adultes… Le pape évoque aussi souvent, mais c’est vrai pour toutes les situations, la question du pouvoir : qu’il soit physique (rapport de force), psychologique (jusqu’à la manipulation), moral ou spirituel, il crée les conditions où le bourreau se pense tout puissant, inattaquable. Les abus sexuels sont aussi abus de pouvoir. Il y a aussi, mais on a plus de mal à le reconnaître, une certaine culture de la sexualité sans tabou d’il y a quelques décennies qui sans toujours les créer, a pu couvrir de tels agissements. Dans certains cas, également, on sait que les prédateurs ont eux-mêmes été victimes quand ils étaient enfants. À ce niveau, libérer la parole des victimes d’aujourd’hui, les accompagner leur évitera le risque de reproduire le schéma pervers, comme cela se produit aussi pour les actes de violence. Enfin, pour nous croyants, la source de tout mal vient de celui que le Christ a combattu dès le début de son ministère : le Satan. Ce rappel par le pape François dans son discours conclusif au sommet sur la protection des mineurs qui s’est tenu à Rome en février dernier a souvent été mal compris, voire caricaturé. Il ne s’agit pas ici de déresponsabiliser les agresseurs, mais au contraire de souligner qu’ils se sont fait eux-mêmes complices du Mal. En cela, les remèdes à ces crimes ne sont pas que de l’ordre de moyens à prendre, mais de conversion profonde.
C’est en cela que malgré tout, demeure l’espérance. Car s’il s’agit de prendre tous les moyens pour que de tels actes ne puissent plus se reproduire, il s’agit aussi de reconnaître, comme nous y invite notre évêque, que « c’est à un sursaut spirituel et à une purification que notre Église est invitée, pour être digne d’annoncer sans hypocrisie la radicalité du message de l’Évangile que le Christ a vécu ». Pour nous, le mal n’a jamais le dernier mot. C’est à cela que nous invite chaque année le carême jusqu’en sa fine pointe de la Semaine Sainte comme nous nous le rappellerons lors du dernier vendredi de carême à St Canadet le 12 avril. C’est aussi en ce sens que j’ai choisi cette année de faire le geste du lavement des pieds du Jeudi Saint uniquement pour des enfants, pour rappeler, puisqu’il en est besoin, que le prêtre n’est pas là pour se servir des enfants, mais pour les servir. Les jours saints nous feront ainsi entrer dans le mystère de la passion du Christ vécue encore aujourd’hui avec son lot de trahisons, de reniements et de lâchetés, au sein même de son Église. Mais ils nous conduiront également jusqu’au mystère de la nuit de Pâques, de la vie plus forte que toute mort, du Christ vainqueur du Mal. C’est d’ailleurs de ce matin de Pâques que nous vient la lumière qui éclaire, malgré cette nuit, la vie et la mission de tous ceux et celles qui dans l’Église, sont fidèles à l’Évangile du Christ.
Père Michel, curé
[1] Dans ce texte, Mgr Dufour précise également qu’il se tiendra à la disposition des fidèles qui souhaitent le rencontrer pour un temps d’accueil et d’écoute le vendredi 29 mars de 15h à 19h à la cathédrale