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« Ô mort, où est ta victoire ? » (1 Co 15, 55)

Quand Saint Paul pose cette question aux Corinthiens, au cœur de son long développement sur le sens de la résurrection du Christ, elle est comme une provocation, un défi lancé à la mort pour qu’elle reconnaisse sa défaite dans le mystère de Pâques.

Le monde d’alors n’était pas plus beau, ni certainement plus laid, que ce qu’il est aujourd’hui. Pourtant, nous ne pouvons pas nous empêcher de ressentir comme de l’amertume à l’écoute de cette question lancée au travers des siècles, comme si finalement la mort avait fini par faire son œuvre. Elle semble même nous répondre : « Regarde, ma victoire est partout ! Dans les coptes innocents massacrés par le fanatisme, dans les enfants de Syrie morts asphyxiés, dans les migrants noyés en traversant la méditerranée. Mais aussi dans les petites phrases assassines à la veille des élections, dans les rivalités et jalousies si souvent présentes dans les villages et jusque dans les inimitiés au cœur de vos communautés chrétiennes. » Et elle ajouterait certainement : « En fait, je suis là présente tout près de toi, dans ton cœur et dans ta vie : quand tu te méfies de l’autre avant même d’essayer de l’aimer, quand tu le juges avant même d’essayer de le comprendre, quand tu le prends pour ennemi alors qu’il est ton frère. »

Oui, cette mort, il nous faut avoir le courage de la regarder en face, comme nous l’avons fait dans le chemin de croix ou la célébration de la passion, ce Vendredi Saint. Être chrétien, ce n’est pas penser que tout est toujours beau dans le monde ou se sentir étranger à ce que la mort sème autour de nous et en nous. Être chrétien, c’est contempler le crucifié comme dans un miroir, parce que c’est bien notre péché, mon péché, qu’il porte sur la croix. Mais si ce miroir me dit que par mon péché je défigure le Christ, il me dit aussi que le Christ par sa victoire me transfigure. Mon péché devient alors don d’amour, mes refus et résistances deviennent obéissance, mes méfiances et suspicions deviennent confiance : « Père, entre tes mains je remets mon esprit ». Comme le disait notre pape ce mercredi à l’audience générale sur la place St Pierre : « La croix est le passage obligé, mais ce n’est pas le but ». Il ne s’agit pas d’éviter le mal, mais de le traverser avec le Christ, le Fils bien-aimé du Père. C’était déjà le sens de la dernière cène au soir du jeudi saint : ce don d’amour nous était proposé en nourriture : « Prenez et mangez en tous ». À nous de l’accueillir au plus profond de nous-mêmes, pour qu’il nous transforme, nous ouvre à la vie véritable, nouvelle, reçue au matin de Pâques !

Alors, mort, où est ta victoire ? Nulle part ! Certes, ta présence est bien toujours là dans notre monde, dans nos vies et jusque au cœur de chacun de nous. Mais ton pourvoir d’anéantissement et le non-sens que tu distilles, sont définitivement vaincus ! Et même, ce flot impétueux de Vie qui jaillit du côté ouvert du Christ, et qui emporte notre monde devenu trop ancien, voici qu’il te prend aussi, ô mort, si bien que l’humble François d’Assise pouvait chanter : « Loué sois-tu, mon Seigneur, pour notre sœur la Mort corporelle à qui nul homme vivant ne peut échapper. » Voilà la force de l’Amour, qui fait de mon ennemie ma sœur !

Alors celui qui siégeait sur le Trône déclara :

« Voici que je fais toutes choses nouvelles. C’est fait.

Moi, je suis l’alpha et l’oméga, le commencement et la fin.

À celui qui a soif, moi, je donnerai l’eau de la source de vie, gratuitement.

Tel sera l’héritage du vainqueur ; je serai son Dieu, et lui sera mon fils. (Ap 21, 5-7)

Père Michel Isoard

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